L’une des premières valeurs du Service Public est de garantir un primat de l’intérêt général sur les intérêts privés. Le financement public de son action en est l’une des conditions. Face au désengagement financier de l’État dont notre université a eu à subir les conséquences au même titre que d’autres établissements, l’Université de Strasbourg s’est tournée vers la recherche des financements privés qui menacent l’intégrité de notre statut d’Établissement public ainsi que notre indépendance. La privatisation partielle d’activités, telles la formation continue en alternance (EASE) ou la valorisation (SATT), sont susceptibles de modifier fondamentalement l’esprit dans lequel les missions de service public de notre d’établissement doivent être menées. Par ailleurs, le développement des financements par appels à projets (« Investissements d’Avenir ») participe de cette double logique de désengagement de l’État et, souvent, de rapports forcés à l’économie de marché.
Une situation financière dégradée
Notre université, qui a beaucoup fait ces dernières années pour exceller aux concours du Grand Emprunt, se trouve aujourd’hui dans une situation totalement paradoxale : lauréate d’une quarantaine de concours d’excellence, elle doit affronter une situation financière très dégradée. Les élus et les représentants Agir Ensemble en ont depuis 2010, dénoncé les raisons. Si les créances non recouvrées de l’État et les dotations insuffisantes constituent certainement les raisons principales de notre fonds de roulement très bas (26 M€ au lieu des 32 M€ réglementaires), nous estimons qu’un usage plus prudent et moins dépensier des deniers publics aurait dû nous permettre de conserver au moins un fonds de roulement acceptable. Une autre politique financière était possible et nous estimons que notre université, qui avait bien des atouts en 2009, n’aurait jamais dû se trouver dans l’état que nous connaissons aujourd’hui, avec toutes les conséquences qui en découlent.
Notre établissement voit aujourd’hui ses comptes financiers étroitement surveillés par le Rectorat. Sommés de reconstituer au plus vite le fonds de roulement, le Président sortant et le Vice-président chargé des finances ont présenté des orientations et des documents budgétaires pour l’année 2013 qui témoignent de la gravité de la situation : coupes drastiques dans l’offre de formation, baisse de 20% du montant global du référentiel d’activité des enseignants-chercheurs, non renouvellement de CDD, réduction des appels d’offre CS et CEVU, investissements repoussés sine die, etc. Le choix est donc de faire porter les restrictions budgétaires sur notre offre de formation, sur la recherche et sur nos emplois. Elles touchent directement aux missions principales de l’université. Encore une fois, nous soutenons que d’autres choix étaient possibles, notamment différer un certain nombre d’opérations n’impactant pas directement la recherche et l’enseignement.
Si notre université ne peut se résoudre à gérer pendant des années une pénurie inacceptable, il est aussi de notre responsabilité de faire le meilleur usage possible des moyens dont on dispose actuellement et de dégager des marges de manœuvre afin de retrouver une capacité minimale d’investissement.
Une motion qui nous engage
La première décision à prendre – elle aurait pu être prise depuis deux ans au moins – est de se battre résolument pour obtenir le complément de financement public sur lequel le ministère s’était engagé. En renonçant à recouvrer une part importante des créances de l’État, la présidence actuelle a affaibli nos finances. Il aura fallu attendre que les élus de l’UNEF et d’Agir Ensemble proposent, au dernier congrès, une motion destinée à la ministre pour qu’un signal fort d’unité de notre communauté se fasse entendre en haut lieu. Cette motion réclame « que soient ouvertes des négociations entre le ministère et l’université afin d’étudier et de mettre en œuvre les moyens qui doivent permettre à l’État d’assurer pleinement ses engagements et à l’université de recouvrer ses créances ». Les engagements, pris solennellement et adoptés à l’unanimité lors du Congrès du 12 octobre 2012, devront valoir pour la prochaine équipe présidentielle, quelle qu’elle soit. Les candidats de la liste « Responsabilité, Démocratie, Collégialité » tiennent à en rappeler les trois phrases importantes, qu’ils font leur et qu’ils inscrivent dans leur programme :
« Les élus et représentants de l’Université de Strasbourg n’acceptent pas que les étudiants et l’ensemble de la communauté universitaire aient à subir les conséquences d’une situation financière dont l’État est en grande partie comptable. C’est pourquoi, par la présente motion, ils s’engagent à ne pas faire supporter aux étudiants un sous financement de l’Université et à ne pas supprimer des diplômes qui sont nécessaires à la diversité et à la richesse de l’offre de formation de l’université de Strasbourg. Ils s’engagent enfin à ne pas sacrifier la qualité de la pédagogie et de la recherche au nom d’une excessive rigueur budgétaire. »
Au regard des orientations budgétaires définies pour 2013, au regard surtout des mesures actuellement mises en application et relatives à la réduction des crédits alloués à la recherche et à la formation, nous appellerons les nouveaux élus de nos conseils centraux, en lien avec une nouvelle équipe présidentielle, soutenue efficacement par la Direction générale des Service, à faire vivre ces engagements, à les expliquer et à les faire partager à notre communauté universitaire qui doit être mobilisée pour les défendre. C’est ainsi que de nouveaux rapports de solidarité entre la direction de l’université et ses acteurs pourront s’instaurer. La position de l’équipe de direction, autour du président, sera ainsi renforcée dans les relations et les négociations avec le ministère.
Pour une gestion responsable et solidaire de nos finances
Il nous faut, en tout premier lieu, connaître l’état réel de nos finances. La maîtrise encore imparfaite de l’outil de gestion comptable SIFAC, le défaut de visibilité financière à moyen et long terme tout comme le caractère assez superficiel des rapports des Commissaires aux comptes exigent que nous demandions un audit financier de notre établissement. La Cour régionale des comptes peut aussi fournir des indications et des évaluations précieuses, dans le respect des missions fondamentales de l’Université. Une évaluation complète des actifs immobiliers devra par ailleurs être réalisée rapidement et le contentieux avec les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg (HUS), héritage de l’ex-ULP, devra être résolu au plus vite afin de recouvrer les millions d’euros que le Ministère de la Santé doit à l’Université de Strasbourg.
Sur le plan politique, nous demanderons que soit choisi et élu un vice-président « finances » de plein exercice, aux compétences solides et reconnues en matière de gestion des finances d’un grand établissement public. Le cumul de la fonction de Premier Vice-président et de la responsabilité politique des finances de l’université est à proscrire. Ce sont des charges bien trop lourdes et politiquement importantes dans la situation actuelle pour être cumulées avec d’autres fonctions.
Sur le plan administratif, il faudra veiller à ce que le Service financier de l’université soit suffisamment pourvu en postes et dispose d’outils de gestion éprouvés et bien maîtrisés. Les relations entre le niveau central et les composantes gagneraient à être structurées au moyen de conférences budgétaires. Celles-ci permettront d’établir les besoins en postes et en crédits de toutes les composantes et laboratoires, avec un objectif de visibilité sur plusieurs années. Il faut en finir avec la constante navigation à vue qui oblige à des adaptations en cours d’exercice. Ces conférences budgétaires devront faciliter et rendre plus efficientes les relations entre le niveau central et les composantes, en particulier par un processus d’allers et retours et par un dialogue nourri. L’objectif prioritaire est le suivant : attribuer les moyens humains et les crédits nécessaires au bon fonctionnement des composantes et laboratoires en assurant une répartition équitable de ceux-ci et en veillant scrupuleusement à renforcer les moyens des secteurs et composantes les plus en difficulté. La solidarité doit aussi exister en matière d’attribution des postes et des crédits.
Nous proposons, enfin, que trois domaines soient sanctuarisés : la qualité et l’intégrité de notre offre de formation, les moyens pour la recherche, les postes et l’emploi public. Maintenir et accroître la qualité de notre offre de formation, développer une recherche innovante et de haut niveau, garantir à celles-ci les moyens humains de leur essor : voilà les conditions, non seulement de notre attractivité pour les étudiants, mais encore de notre retour à un équilibre budgétaire. Pour cela, il semble nécessaire, qu’à côté des financements publics traditionnels, l’université développe les moyens nécessaires pour un essor efficace de projets d’enseignements et de recherche internationaux, financés en particulier par des crédits européens.
En conclusion, même si des rationalisations et des aménagements doivent être effectués – toujours dans la concertation et au service de l’intérêt général -, nul ne peut se résoudre à affaiblir ce qui constitue notre cœur de métier et engage nos missions principales de Service public.
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