Communiqué d’Agir Ensemble pour une université démocratique
(transmis aux membres du conseil scientifique de l’UdS le 2 septembre 2010)
Si l’on en croit le président Sarkozy et Valérie Pécresse (discours de la ministre le 1er Juin, interview du président le 12 Juillet), la France aurait relancé massivement le financement de la Recherche, en particulier avec l’Investissement d’Avenir (Grand Emprunt).
Qu’en est-il en réalité et à quelles conséquences faut-il s’attendre ?
Comment les choses se passent-elles à l’Université de Strasbourg?
Certes, les sommes sont importantes et pourraient constituer jusqu’à un doublement des ressources pour certains laboratoires, mais les conditions posées à cet appel d’offres (les critères d’éligibilité) ainsi que le brièveté des délais imposés entre leur publication et le retour exigé des réponses créent toutes les conditions d’un piège pour la recherche française : seuls quelques laboratoires bien informés et bien préparés auront la possibilité de monter des dossiers solides.
De plus le Grand emprunt s’accompagnera des réductions budgétaires annoncées et pourrait donc simplement compenser ce qui sera économisé par ailleurs (on peut tout redouter du budget 2011 à cet égard). Ce transfert ne sera évidemment pas neutre.
Enfin l’on peut s’interroger légitimement sur le devenir et la pérennité de la très grande majorité des laboratoires et des sites qui n’entreront pas dans le label « excellence » : le Grand Emprunt, outre qu’il conditionnera les prochains contrats quadriennaux et les moyens des PRES, risque bien de créer une université et une recherche à deux vitesses.
L’objectif sarkozyste, en effet, ne varie pas : rentabilisation économique à court terme du potentiel de l’Enseignement Supérieur et de la recherche française par une spécialisation très forte des sites sous couvert de politique d’excellence, ce qui conduira à des déséquilibres disciplinaires très dangereux.
C’est ainsi que l’appel d’offres Equipex (Equipement d’excellence correspondant à des financements de plates-formes techniques) valorisera les projets s’ouvrant à l’accueil des recherches pour les entreprises, ou que l’appel d’offres Labex (Laboratoire d’excellence) permettra des recrutements de chercheurs contractuels de très haut niveau dans un esprit de concurrence entre sites au niveau européen et mondial.
Les réponses doivent s’inscrire dans les priorités de la stratégique nationale de Recherche et d’Innovation: « la santé, le bien-être, l’alimentation et les biotechnologies », « l’urgence environnementale et les écotechnologies », « l’information, la communication et les nanotechnologies », ou encore dans les SHS, non selon leur logique propre, mais en tant qu’elles « doivent avoir un rôle majeur au sein de tous les axes prioritaires (en participant) à la construction des interfaces interdisciplinaires dans tous les domaines clé». Ce type de grand investissement ne convient ni aux outils ni aux problématiques de recherche en SHS et en droit qui n’ayant pas de besoins en équipement lourds pâtissent de la faiblesse des dotations générales, sans pouvoir pour autant prétendre à ces crédits exceptionnels .
Les organisations syndicales d’Agir ensemble pour une université démocratique dénoncent unanimement ce mécanisme de pilotage de la Recherche au service du profit et des seuls intérêts privés.
C’est d’abord aux entreprises d’investir en Recherche appliquée. Car si le service public se réoriente vers la rentabilité à court terme, qui fera la recherche ouverte et jouera la carte d’une science fondamentale? Qui jouera aussi la fonction critique et créatrice dont toute la société a besoin et qui irrigue une part essentielle de l’enseignement et de la recherche universitaires?
Ce sont les présidences d’Université qui portent les réponses à ces appels d’offres, les lauréats étant proposés par des jurys internationaux sous la responsabilité de l’ANR. Quant à la prospective et à la stratégie sur les priorités imposées, elles sont maintenant dans les mains des « Alliances », telles qu’AVIESAN ou ATHENA.
Ainsi les organismes de recherche, en particulier le CNRS, avec leurs structures scientifiques démocratiques représentatives des communautés de chercheurs, seraient totalement exclus de ce processus restructurant si l’exigence des organisations syndicales de leur consultation n’était pas satisfaite.
Finalement, c’est le premier ministre qui prendra les décisions en accord sans doute avec la stratégie européenne de marchandisation de la connaissance inaugurée à Lisbonne en 2000.
A l’UdS, l’intersyndicale Agir ensemble pour une université démocratique , avec ses élus, prend acte de quelques débats publics tel que celui du congrès du 30 Avril, et de la programmation d’un débat sur les Equipex au CS du 2 Septembre et d’un autre sur les Labex lors d’un CS suivant ; elle se félicite des ses contacts réguliers avec le délégué général au grand emprunt qui permettent à ses élus d’avoir des éléments d’information nécessaires à la consultation des collègues; elle y voit entre autre un résultat de son exigence constante d’une amélioration du débat démocratique dans les conseils.
Cela étant, l’intersyndicale ne peut que dénoncer un processus essentiellement non transparent, engagé dès le mois de janvier et n’ayant pourtant pas donné lieu à une information suffisante des personnels. De nombreux projets UdS ont été préparés dans l’ombre, par des relations entre quelques porteurs et la présidence de l’Université sans que les collègues concernés soient consultés. Les Conseils d’UFR et de laboratoires ont rarement discuté des projets, les projets Equipex émanant de certains secteurs ( SHS, DEG, SdV) ne semblent pas être passés par les collégiums et la commission du Conseil scientifique, comme cela avait été annoncé par la présidence. Les secteurs SHS et Droit ne sont pas représentés au sein du comité de pilotage dont nous déplorons le caractère trop retreint et insuffisamment représentatif (5 membres seulement). Le président continue de refuser qu’y siègent des membres compétents du CA et du CS, ce qui aurait permis à quelques élus de remplir leur rôle de conseillers et de faciliter l’expertise aussi bien que l’information des instances centrales.
Compte tenu du caractère structurant de cette opération « Grand Emprunt » pour le site de Strasbourg, nous exigeons un débat public et démocratique d’une tout autre ampleur dès septembre 2010 et jusqu’au printemps, période de remontée du projet Initiative d’excellence. Ce débat doit être impulsé d’en haut mais avoir lieu dans les UFR et les laboratoires avec consultation au minimum dans les conseils et se prolonger dans les instances des collégiums et des conseils centraux, et finalement dans un nouveau congrès public, précédé éventuellement d’AG de sites.
Nous appelons tous les collègues à veiller en particulier aux points suivants dans la discussion des Labex puis de l’Initiative d’excellence :
– une implication de toutes les disciplines dans les projets et un refus d’une structuration à plusieurs vitesses de la recherche à l’UdS ;
– un refus d’une ouverture au privé si elle n’est qu’une prestation de service bradée du potentiel universitaire nuisant à la liberté de recherche ;
– une prise en compte de l’enseignement et de la formation dans l’élaboration des projets ;
– un refus de l’accroissement de la précarité du recrutement des collègues et la transparence dans ces mêmes recrutements ;
– la mise en place d’un contrôle démocratique par les instances légales et statutaires de l’Université et des organismes sur les mécanismes d’organisation et de décision des projets.
AGIR ENSEMBLE POUR UNE UNIVERSITE DEMOCRATIQUE
SES-CGT, SNASUB-FSU, SNCS-FSU, SNESUP-FSU,
SNPREES-FO, SNTRS-CGT, SUD Education UdS .