Austérité et gestion imprévoyante
Lettre ouverte d’Agir Ensemble au Président de l’Université de Strasbourg
(Congrès finances du 26 juin 2012)
Monsieur le Président,
La Lettre d’orientation budgétaire 2013 fixant aussi les perspectives pour les prochaines années apparaît extrêmement inquiétante pour notre université et l’ensemble de ses personnels. Elle révèle une situation financière considérablement dégradée dont, à la lecture du document, l’origine serait de l’ordre de l’héritage ou de la fatalité. Or gouverner l’université, ce n’est pas s’abandonner aux inerties de gestion ni à « la «dynamique spontanée de la dépense ». C’est à la fois prévoir les évolutions et faire des choix.
→ Il nous semble que malgré les avertissements répétés depuis trois ans par l’intersyndicale Agir Ensemble, l’équipe présidentielle n’a pas analysé ni suffisamment anticipé un certain nombre de difficultés :
– Les surcoûts de la fusion ont été constamment sous-estimés ainsi que les charges liées aux responsabilités et compétences élargies.
– La mauvaise évaluation et la prise en compte tardive du déroulé de carrière des personnels fonctionnaires ou contractuels qui a et va encore générer un accroissement de la masse salariale.
– La dépendance devenue trop forte envers les autorités de tutelles et les orientations de Bercy dont chacun pouvait deviner que leur insistance à instaurer pour l’université le principe de l’enveloppe globale sur le modèle de l’hôpital, ne laissait pas espérer à court terme autre chose qu’une réduction de leur dotation.
– La réduction à grande vitesse du fonds de roulement et de la trésorerie a été principalement causée par une politique d’investissement déraisonnable : 21 M€ sur les 51M€ prélevés ces trois dernières années sur le fonds de roulement.
De tout cela découlent des effets d’accordéon faisant alterner un excès de dépenses puis une frénésie d’économie, série d’à-coups caractéristiques d’une gestion erratique dont les personnels et nos étudiants seront les principales victimes.
→ Mais gouverner l’université c’est aussi effectuer des choix. Or ceux qui ont été faits par la direction de l’université apparaissent pour le moins problématiques :
– Surinvestissement dans des projets de trop grande ampleur dont les coûts et les réalisations n’ont pas été maitrisés (travaux du centre de primatologie, Alisée, réfection des laboratoires de chimie, mise en place « d’indicateurs de performances » coûteux en personnels et modérément fiables, etc.).
– Recours à des sociétés de consultance coûteuses et aux compétences limitées, au détriment des compétences internes à notre université.
– Priorité donnée aux services centraux sur ceux des composantes, se traduisant souvent par une centralisation et une rigidité bureaucratique accrue.
– Priorité en matière de financement de la recherche accordée à un « périmètre d’excellence » dont le premier effet est d’affaiblir les dotations des laboratoires, les outils collectifs pour la recherche, en baisse pour la deuxième année consécutive, et les formations extérieurs à ce périmètre.
– Décisions peu anticipées et mal régulées de faire des économies sur l’offre de formation, affaiblissant le niveau d’encadrement des étudiants et la diversité des options, quand ce ne sont pas des diplômes qu’il faudra fermer, conséquence de la suppression programmée de 40 000 heures d’enseignement, après les 25 000 supprimées l’année passée. Ces coupes pluriannuelles dans les enseignements se font au détriment des formations et des étudiants.
→ Or l’université de Strasbourg n’a pas été ces dernières années une université ordinaire. Nous avons été les meilleurs élèves des réformes impulsées par le gouvernement : RCE, politique dite « d’excellence », Grand emprunt, plan Campus, Fondations, etc. V.Pécresse, N. Sarkozy et L. Wauquiez ont défilé à Strasbourg devant les caméras pour vanter le bien fondé de leur politique universitaire et de recherche dont nous sommes devenus une sorte d’appartement témoin. Or, une fois éteints les projecteurs de la communication gouvernementale et locale, force est de constater la faible ampleur du bilan humain et financier de ces dispositifs : après quelques années de croissance très modérée de la dotation de l’État, le surplus de moyens du Grand emprunt aura été totalement effacé. Entretemps nous aurons accrédité l’idée que l’université de Strasbourg était exceptionnellement dotée, affaiblissant ainsi notre capacité de revendication.
→ Dernier avatar en date des politiques sarkozystes, les Investissements d’avenir auront au contraire accéléré quatre phénomènes, avec la participation active de votre équipe :
- La paupérisation générale de l’Université tant les surcouts qu’induisent et induiront les projets concernés ont été sous-estimés par le gouvernement mais aussi par la direction de notre établissement.
- Les inégalités de financement générées ou aggravées par ces projets, qui renforcent des secteurs disciplinaires déjà mieux dotés que les autres. L’exemple le plus récent et peut être le plus choquant de ces inégalités est sans doute la dotation attribuée aux formations dites « d’excellence », alors que partout ailleurs l’indigence des moyens consacrés aux étudiants saute aux yeux.
- Le renforcement de l’autoritarisme avec la mise en place officielle de structures échappant au contrôle des conseils et prenant de vraies décisions, tel le Comité de pilotage de l’Idex.
- La privatisation partielle ou totale d’activités supposées rentables à terme, comme la formation continue en alternance (EASE), la valorisation (SATT) et aujourd’hui la nouvelle Fondation de coopération scientifique.
Vous comprendrez, Monsieur le Président, que dans ces conditions ni les élus Agir Ensemble, ni les organisations qu’ils représentent, ne peuvent approuver votre bilan et votre lettre d’orientation budgétaire qui ne nous promet qu’une austérité dont votre politique et les choix imprévoyants de votre équipe sont en grande partie responsables.
Les élus et représentants Agir ensemble pour une Université démocratique
avec le soutien des organisations suivantes :
SNESUP-FSU, SNCS-FSU, SNASUB-FSU, SNTRS-CGT, SES-CGT, SNPREES-FO, SUD Education UdS