« Madame la Ministre, reprenez la gestion de la masse salariale et des postes des personnels titulaires »

Dans un billet précédent, j’avais indiqué que les présidents d’université n’intervenaient pas suffisamment dans le débat public à propos de la question budgétaire de la mise sous « enveloppe globale » de l’université, c’est-à-dire l’obligation faite par la LRU d’intégrer les salaires dans le budget de l’établissement au risque, si la dotation de l’État augmente moins vite que l’inflation ou si le déroulement normal des carrières accroît la masse salariale, de devoir amputer les budgets de fonctionnement des facultés et des laboratoires ou, bien pire encore, de devoir renoncer à pourvoir un nombre croissant de postes.

J’avais partiellement tort : dans une lettre signée du 12 novembre, 14 présidents d’université – mais pas Alain Beretz – regrettent précisément que l’État leur ait confié des responsabilités nouvelles non pas seulement sans leur en donner les moyens, mais de surcroît en les ligotant dans un mécanisme budgétaire dans lequel l’évolution des salaires pèse directement sur les budgets de fonctionnement ordinaires (ici la réponse de la Ministre le 15 novembre). Ces présidents d’université (mais pas Alain Beretz) indiquent que « l’État a transféré aux universités la gestion des personnels titulaires sans l’accompagner d’une dotation budgétaire correspondant aux charges : GVT non compensé, CAS pension non assumé, aujourd’hui titularisation induite par la loi Sauvadet, etc. ». Les conséquences n’ont pas tardé à se faire sentir et les signataires de la lettre (mais pas Alain Beretz non signataire) montrent que « très vite, plusieurs des premiers établissements passés aux Responsabilités et Compétences Elargies ont connu des difficultés financières avec des déficits de leurs budgets de fonctionnement. Gels de postes, réductions des crédits affectés aux composantes et aux services, sans parler des coupes sombres effectuées dans la vie de campus deviennent le quotidien des universités ».

L’évolution des fonds de roulement inspire une inquiétude particulière à ces présidents d’université (mais pas à Alain Beretz qui n’a peut-être pas sur cette question les mêmes difficultés…) : « Les fonds de roulement censés nous permettre de financer des investissements (les universités ne peuvent pas emprunter) se réduisent comme peau de chagrin : on attend le premier établissement en cessation de paiement ». C’est sur leurs missions d’éducation et de recherche que ces présidents d’université (dont ne fait pas partie Alain Beretz) souhaitent insister : « Nous n’avons pas été élu.e.s pour réduire les postes, diminuer les crédits consacrés à la formation, la recherche ou la documentation quand l’avenir économique et social de notre pays et de l’Europe suppose que la Nation investisse pour amener 50% d’une classe d’âge au niveau bac+3 et pour produire de nouvelles connaissances ». En effet, aucun de ces présidents (même Alain Beretz) n’a été élu avec un programme de réduction de l’offre de formation, de gel des postes, de diminution des crédits documentaires, etc. C’est pourtant ce que les mécanismes budgétaires de la LRU et de l’enveloppe globale leur imposent. Cependant, tous les présidents ne réagissent pas de la même façon, certains analysent lucidement la situation et cherchent à réagir en posant publiquement le débat du sous financement de l’université en France. En intervenant aussi vigoureusement dans le débat public, ces présidents d’université rendent possible l’établissement d’un rapport de force politique dans lequel le gouvernement aurait à rendre des comptes sur sa gestion de l’éducation universitaire de la jeunesse. Ainsi ils interpellent directement le gouvernement : « Madame la Ministre, reprenez la gestion de la masse salariale et des postes des personnels titulaires ».

Nous ne pouvons que regretter que le président de l’université de Strasbourg, non seulement ne participe pas à ce débat désormais médiatisé mais au contraire, chaque fois que nous avons eu l’occasion de l’entendre évoquer ces questions, prenne soin de ne jamais critiquer ouvertement les mécanismes de l’enveloppe globale instaurés par la LRU.

À propos de Philippe Juhem

Membre sortant du CA et candidat au CS
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3 réponses à « Madame la Ministre, reprenez la gestion de la masse salariale et des postes des personnels titulaires »

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  2. Michel dit :

    J’ai reçu un courriel intitulé « Elections ; et les personnels BIATSS ? ».

    Sur votre site Internet, en effet, il n’y a pas de trace visible des personnels BIATSS. Je ne sais même pas où poster ce modeste commentaire.

  3. Pascal Maillard dit :

    Cher Michel,

    De très nombreuses propositions de notre plateforme concernent directement les personnels administratifs et techniques. Il est vrai que nous n’aimons pas beaucoup le sigle BIATSS (anciennement BIATOSS) qui désindividualise. Même si nous ne présentons pas des listes BIATSS, ce que font séparément certaines organisations syndicales qui nous soutiennent (Sgen-cfdt, FO et CGT), notre projet s’adresse bien à la totalité des personnels de l’université, BIATSS compris. Par exemple, vous pouvez lire dans le Chantier 1 toute une série de propositions qui les impliquent au premier chef :
    « 1. Garantir le bien-être au travail et développer la solidarité entre personnels ;
    2. Corriger les inégalités salariales et indemnitaires entre personnels et conduire une politique volontaire de résorption des décalages grade/fonction ;
    3. Mettre fin aux pratiques de concurrence et d’individualisation à outrance des carrières en revoyant les procédures d’évaluation et en garantissant un traitement équitable pour tous ;
    4. Donner à chacun de meilleures chances de se former et de progresser en développant la formation continue interne ;
    5. Œuvrer à ce que toute décision concernant les conditions de travail et l’organisation des services se fasse systématiquement par le biais d’une véritable concertation avec les personnels. »
    Enfin tout ce qui touche à la démocratie, aux problèmes financiers, à la recherche et à la formation, aux services centraux ou ceux des composantes, concerne tous les BIATSS. Nous pensons en terme de communauté universitaire, en accordant la même valeur et la même importance à tous les statuts, et en particulier à ceux qui sont les plus vulnérables et les plus précaires aujourd’hui, les contractuels en CDD, mais aussi les vacataires. Je considère personnellement qu’un élu au CA et même dans les deux autres conseils centraux doit avoir une vue d’ensemble de la communauté universitaire. Il faut cesser de fragmenter notre communauté et penser l’humain avant tout, créer de nouvelles solidarités.
    Bien à vous.

    Pascal Maillard

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