Excellence et laïcité à l’Université de Strasbourg

Communiqué Agir Ensemble sur le projet de Labex « Religion et Société »

(le 9 juillet 2012)

 

 

 

Les élus et les organisations membres de l’intersyndicale Agir Ensemble pour une Université démocratique sont tout autant attachés au principe de la laïcité qu’à celui de la liberté scientifique des chercheurs et des enseignants-chercheurs. C’est au nom de ce double principe qu’ils tiennent à faire connaître à la communauté universitaire les raisons pour lesquelles ils ont été conduits à exprimer de fortes réserves sur le projet de LABEX « Religion et société » (RESO) et plus précisément sur la création d’un « Institut national de l’Islam » à l’Université de Strasbourg. Ces réserves ne procèdent en rien d’une défiance à l’endroit de l’Islam ou des recherches sur le fait religieux qui ont toute leur place à l’université ou au CNRS. Elles portent sur la nature, les finalités et les conditions d’élaboration d’un projet spécifique dont nul ne peut ignorer la dimension sociétale et politique.

 

Le 15 mars dernier le très discrétionnaire Comité de pilotage (COPIL) de l’IDEX  « UNISTRA » a pris la décision de procéder au sauvetage de 4 projets de laboratoires d’excellence (LABEX) recalés par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) dont trois avaient reçu une note éliminatoire et des appréciations clairement négatives à l’issue de deux vagues successives d’évaluation menées par l’ANR. Un seul de ces projets bénéficia, après réécriture, d’une appréciation positive, le rendant en principe éligible à une aide financière. En d’autre termes, le Comité de pilotage de l’IDEX proposait de financer sur le volet recherche de la dotation IDEX des projets recalés à l’appel d’offre LABEX.

Dans des circonstances controversées, le Conseil Scientifique de l’Université de Strasbourg fut donc saisi de cette décision du Comité de pilotage lors de la séance du 14 juin 2012.  A l’initiative des élus de l’intersyndicale Agir Ensemble, un premier report d’examen de ces quatre dossiers fut obtenu sans difficulté : il allait permettre aux élus de prendre connaissance des projets en question dans leurs détails et de saisir pleinement leurs enjeux.  Le 27 juin, lors d’une seconde réunion du CS ayant à nouveau à l’ordre du jour l’examen de ces 4 projets, le mieux noté d’entre eux fut logiquement approuvé, alors qu’il fut demandé aux porteurs des trois autres projets une reformulation répondant de manière convaincante aux critiques négatives qui avaient justifié leurs rejets répétés par l’ANR. Les projets ainsi reformulés seront soumis à une nouvelle évaluation, par des experts désignés par la Direction de la Recherche (DIR).

C’est donc bien au nom d’une conception locale de l’excellence scientifique que le Comité de pilotage de l’IDEX « UNISTRA » (composé, à côté de personnalités scientifiques et du monde économique, de représentants de l’Université et de sa Fondation, des HUS, du CNRS et de l’INSERM), décida d’initier le sauvetage de ces quatre projets pourtant jugés négativement par une instance dont on nous vanta l’impartialité en matière d’évaluation de ladite « excellence » : un jury international!

 

Derrière cette décision politique, ce sont tout particulièrement les attendus et la destination du projet portant l’acronyme RESO (« Religion et Société ») qui ont suscité la perplexité des élus de l’intersyndicale Agir Ensemble.  RESO se proposait, dans sa version originelle présentée au CS du 14 juin, d’étudier la problématique de la formation des ministres des cultes, de l’_expression_ religieuse sur le lieu de travail ainsi que les conflits possibles avec la législation française. Ce projet envisageait également la création d’un Institut national de l’Islam destiné  à devenir un pendant des deux facultés de théologie de l’Université de Strasbourg, dont il est nécessaire de rappeler ici que l’une des missions d’exception est la formation de ministres des cultes catholique et protestant. On pouvait en effet lire ceci : « L’Université  de  Strasbourg,  qui  comporte  au  nombre de  ses  composantes  une  faculté  de  théologie catholique  et  une faculté  de  théologie  protestante, ainsi que des pôles d’enseignement et de recherche en sciences et en droit des religions, s’impose comme un pôle de compétence efficace en ce  domaine.  Il s’avère cependant indispensable de compléter cet ensemble par la création d’un Institut de l’Islam ».

Bien plus, l’objectif de cet Institut aux contours flous pourrait placer l’Université de Strasbourg en difficulté au regard des dispositions de la loi de séparation de l’Etat et des églises de 1905 sur le financement sur fonds publics d’activités cultuelles. En effet le développement de recherches « en vue d’intégrer la formation des ministres des cultes dans un cadre universitaire » ainsi que la focalisation de celles-ci « autour de la thématique de la formation des cadres religieux et plus particulièrement de la formation des cadres de l’Islam » ouvre la voie à une nouvelle introduction manifeste du cultuel dans la formation et la recherche publiques. C’est pourquoi les élus Agir Ensemble se sont émus de la légèreté avec laquelle ce projet, pourtant jugé « peu innovant », fragile dans sa composition scientifique et «  peu au fait du contexte scientifique international » selon l’ANR, fut traité très favorablement par le Comité de pilotage de l’IDEX qui, de surcroît, proposait une aide financière supérieure à la demande originelle des porteurs (près d’un quart de million d’euros). On ne pouvait s’attendre à moins de la part d’élus  d’un Conseil Scientifique. Dans un contexte politique modifié n’aurait-il pas fallu faire preuve de prudence  et de mesure ? C’est en tous cas ce qui a motivé l’action des élus de l’intersyndicale Agir Ensemble.

 

La politique des précédents gouvernements a marqué de son empreinte l’Université de Strasbourg par la promotion d’initiatives visant à élargir le statut spécifique de l’Université de Strasbourg en territoire « dérogatoire » pour expérimenter, au mépris des principes de la laïcité républicaine fondant la loi de séparation de 1905, de nouvelles formations pour cadres religieux, en particulier un master d’islamologie.  S’il ne fait aucun doute que les recherches scientifiques sur le fait religieux sont parfaitement légitimes, y compris celles sur l’Islam, les formations soutenues par le cabinet de la  ministre Valérie Pécresse et dont la mise en place a été facilitée par des relais politiques locaux, méritent aujourd’hui une évaluation rigoureuse et un bilan circonstancié.

La promotion de RESO par le Comité de pilotage de l’IDEX, outil de gouvernance parallèle contournant les prérogatives en matière budgétaire de l’Université de Strasbourg, révèle au grand jour les aspects les plus funestes de la politique dite « d’excellence » qui semble être parfois perméable à des intérêts politiques très particuliers et qui doivent être interrogés.  C’est la raison pour laquelle l’intersyndicale Agir Ensemble et ses élus exigent que toutes les décisions du Comité de pilotage  de l’IDEX « UNISTRA » soient enfin soumises au contrôle souverain des instances statutaires de l’Université de Strasbourg et de son Conseil d’Administration.

 

 

 

 

Agir Ensemble pour une Université Démocratique

(SNESUP-FSU, SNCS-FSU, SNASUB-FSU, SNTRS-CGT, SES-CGT, SNPREES-FO, SUD Education UDS)

À propos de Julien Gossa

Candidat au CEVU
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