Pour un débat démocratique sur le Contrat de site Alsace : communiqué du 19 mars 2013

Communiqué des élus Responsabilité-Démocratie-Collégialité (RDC),
avec le soutien des syndicats de la FSU (SNESUP, SNCS, SNASUB),

de la CGT (SES, SNTRS), du Sgen-CFDT et du SNPREES-FO

(le 19 mars 2013)

Le Contrat de site entre l’Etat et les établissements d’enseignement supérieur d’Alsace a été élaboré sous la pression et avec la plus grande précipitation depuis début janvier dans un cycle d’aller et retours entre les dirigeants de l’Université de Strasbourg (UdS), de l’Université de Haute Alsace (UHA), de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg (BNU) et de l’Institut National des Sciences Appliquées de Strasbourg (INSA) et le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR). Les élus RDC et plusieurs organisations syndicales portent à votre connaissance la dernière version de ce contrat qui doit être signé en même temps que les projets quinquennaux d’établissement 2013-2017.

Or à ce jour aucun débat n’a eu lieu à l’UdS autour de ce projet de contrat, en particulier pas dans les conseils. Pire encore, aucune information sur ce contrat n’a filtré avant ce lundi 11 mars au CEVU. Et ceci alors qu’à l’UHA, la discussion sur ces questions bat son plein, alors qu’à la BNU, tout le personnel a reçu par courriel du 15 janvier le projet de site et qu’à l’INSA une Assemblée Générale a été organisée par la direction le 20 février, pour informer le personnel. Le président Beretz et son équipe ont fait campagne fin 2012 autour de l’idée d’une participation plus grande des élus et des personnels à la vie démocratique de notre université. Le président déclarait encore récemment dans la revue Savoir(s) : « Nous aurons un effort à faire sur la communication des décisions, l’association du plus grand nombre  aux décisions. Il convient de mieux impliquer les uns et les autres à la vie de l’université. J’ai bien entendu le message ».

Le manque flagrant de concertation à ce jour autour de ce projet de contrat de site qui est essentiel pour l’avenir de l’ESR et de ses établissements en Alsace, ne semble guère conforme à ces principes vertueux. Cette « négligence » est sans doute encouragée par notre Ministre qui souhaite que Strasbourg expérimente une loi qui n’est pas encore votée.

Le projet de site Alsace définit une nouvelle organisation de l’ESR en trois cercles concentriques autour d’une Université de Strasbourg qui se rêve toute-puissante : un cœur académique constitué de l’UdS et des établissements rattachés (UHA, BNU, INSA) ou associés (École nationale supérieure d’architecture de Strasbourg-ENSAS et École nationale du génie de l’eau et de l’environnement de Strasbourg-ENGEES), un « cluster » où se retrouvent aussi les collectivités, les organismes de recherche et les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg (HUS) et qui disposerait d’importantes fonctions de pilotage, et enfin l’organisation transfrontalière autour d’EUCOR.

Cette nouvelle organisation appelle deux remarques d’ordre général.

Il faut tout d’abord rappeler que le ministère entend que « la stratégie sera décidée au niveau du site régional, et déclinée par les établissements et composantes au niveau des écosystèmes socio-économiques » (réunion cabinet ministériel/syndicats du 19 décembre). Il souhaite mettre en place des regroupements autour d’une trentaine d’établissements dans un premier temps.

Ces regroupements, (nous sommes bien placés pour le savoir à Strasbourg après la fusion de 2009) sont ensuite faits sans aucun moyen financier supplémentaire et sont donc générateurs dans un premier temps de dépenses importantes.  Quelle sera la part de la Région qui financièrement est dans un état difficile, sans aucun transfert d’argent de l’Etat ? Serons-nous le premier exemple en France d’une université régionale qui fait payer ses étudiants, formation par formation, au titre d’un espoir d’insertion professionnelle ? Enfin, quelles seront les conséquences en terme d’emplois pour les personnels qui par souci d’économie au niveau national, comme par souci d’économie d’échelle au niveau régional vont disparaître ?

Ces interrogations d’ordre général appellent des questions plus précises :

  1. Quelle réalité se cache derrière cette appellation de « cluster » et quel statut juridique aura-t-il ? Cette structure empruntée à un modèle économique et industriel est-elle pertinente pour l’ESR ?
  2. Ne peut-on craindre que dans le cadre de la « rationalisation » des formations et de la recherche, des coupes sombres ne soient opérées en Alsace, avec pour effet la réduction de l’offre de proximité en formation à Mulhouse, la disparition de certaines disciplines et la concentration de la formation des professeurs dans l’École Supérieure du Professorat et de l’Éducation (ÉSPÉ) unique d’Alsace centrée sur Strasbourg ? Certains titres universitaires, aujourd’hui nationaux risquent d’être régionalisés pour servir une économie territoriale.
  3. Quelle sera l’autonomie réelle des différents établissements alsaciens rattachés dans ce regroupement ? Quels regroupements de composantes dans des collégiums régionaux ? Quelles écoles doctorales seront les « perdantes », si elles devaient être regroupées ?
  4. Quelles conséquences y aura-t-il pour les personnels enseignants, enseignants-chercheurs (EC) et BIATSS dans le cadre du regroupement des fonctions supports, mutualisés entre établissements ? Quels types de mutualisation (mutation obligatoire,  complément de service dans un autre établissement, polyvalence accrue, emplois précaires « bouche-trous », suppressions d’emplois ? ) subiront les personnels à terme ? Y aura-t-il des recrutements communs d’EC entre l’UHA et l’UdS ou d’autres établissements « clusterisés » ?
  5. Le transfert de « compétences » au niveau régional pour ce qui est de la documentation (pôle de l’écrit) et du numérique (source de potentiels revenus) avec l’Université Numérique En Région Alsace (Unera) se fera-t-il sans dégâts pour  une offre de proximité dans ces domaines ?
  6. Que se passera-t-il du point de vue du financement et de l’orientation de la recherche au niveau du « cluster » ? Ne peut-on craindre une concentration de moyens via des appels d’offres sur des secteurs déjà largement arrosés dans le cadre des investissements d’avenir (Initiative d’excellence-IDEX, Laboratoires d’excellence-LABEX, etc…) au détriment des autres, s’ils peuvent continuer à exister au-delà de la première période de cinq années ?
  7. Quel rôle autre que l’accompagnement de politiques décidées ailleurs joueront encore les organismes de recherche impliqués dans le cluster ? Quel moyen leur restera-t-il pour mener une politique nationale de recherche et un rôle national de prospective et de coordination ?
  8. Quelle place restera-t-il à une recherche libre, à un enseignement autonome développant l’esprit critique et la créativité dans ce contexte fortement contraint  par  le primat de l’innovation et de l’excellence ?
  9. Comment enfin imaginer que le développement de ce niveau régional ne s’accompagne pas d’une nouvelle perte de la collégialité et de la démocratie dans les prises des décisions, après celles introduites par la loi LRU et mises en œuvre à l’UdS ces dernières années, avec une concentration de décisions sur des structures de pilotage opaques, inféodées à une politique territoriale ?

Les élus RDC et les organisations syndicales signataires appellent les personnels à se saisir de ces questions et ils feront en sorte que les conditions de ce débat soient réunies. A cette fin nous demandons au président Alain Beretz d’organiser dans les meilleurs délais une Assemblée générale des personnels sur le projet de contrat de site. Nous exigeons que des débats nourris puissent avoir lieu dans tous les conseils élus. L’avenir de l’ESR en Alsace et l’avenir de nos établissements, concernent tous les personnels et ne sauraient se décider dans quelque conclave que ce soit.

 

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Une réponse à Pour un débat démocratique sur le Contrat de site Alsace : communiqué du 19 mars 2013

  1. Pierre Dubois dit :

    A propos des contrats de site alsacien et lorrain
    chronique du blog « Histoires d’universités »
    « Faux contrats et indicateurs bidons »
    http://blog.educpros.fr/pierredubois/2013/03/21/faux-contrats-et-indicateurs-bidons/

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